Les guerres sans fin by Stora

Les guerres sans fin by Stora

Auteur:Stora
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Stock
Publié: 2008-01-15T00:00:00+00:00


Critiques parmi les universitaires : mémoire et Histoire

Ce documentaire est l’une des histoires possibles de cette guerre. Elle fait appel aux occasions perdues, aux rendez-vous manqués de l’histoire entre la France et l’Algérie, entre les pieds-noirs et les Algériens musulmans, entre les Algériens eux-mêmes. C’est sous cet angle-là que j’ai abordé la guerre et je dois dire que cela a surpris des intellectuels très engagés à gauche, tels Madeleine Rebérioux ou Pierre Vidal-Naquet. Compte tenu de mon passé militant, certains ont pensé que j’allais faire un documentaire didactique, de dénonciation du colonialisme dans sa version traditionnelle. Or, j’ai voulu dépasser cela pour essayer d’atteindre autre chose, cette réalité qui me hante, comme historien et comme individu. Il s’agit à la fois de l’histoire d’un racisme dans le contexte de la colonisation et de celle d’une forme d’extraordinaire convivialité.

L’histoire coloniale, c’est tout ce partage, cette ambiguïté.

Le débat qui eut lieu alors reflète l’incompréhension dont ce travail fut l’objet. Le propos de ce film n’était pas, comme mes détracteurs l’ont imaginé, de faire l’histoire de la guerre d’Algérie, mais de mettre à jour les mémoires de la guerre d’Algérie. La presse algérienne, elle, l’avait compris. Peut-être parce que la question de la mémoire est plus aiguë là-bas, plus directement problématique. Sans doute aussi parce que la société algérienne vit toujours sous l’emprise de la guerre d’indépendance qui est pour elle son acte fondateur. Je me souviens d’un article du quotidien algérien Le Matin, aujourd’hui interdit, où l’on pouvait lire : « De notre côté l’amnésie s’est aussi installée. Il y a aussi la même tentative d’oubli que chez les Français. Et il y a peut-être même pire que leur refoulement, c’est cette sorte de consensus, d’unanimisme qui, depuis l’indépendance, s’est installé avec le parti unique44. » Cette analyse montre clairement l’enjeu historique, politique de la mémoire. Et donc la nécessité d’en démonter les mécanismes pour qui veut comprendre le présent.

Mais au-delà de cette querelle, ce que l’on m’a reproché porte sur une question de méthode elle-même : la mémoire ne saurait faire Histoire ! Or, la critique historiquement la plus féconde est celle qui parvient à montrer que la manière même dont la guerre d’Algérie a été vécue du côté français, comme du côté algérien, a permis aux mémoires d’exister comme mémoires et de continuer à vivre d’une vie souterraine, longtemps après que la guerre elle-même eut pris fin. C’est à cette condition, et à cette condition seulement, que la critique se fait proprement « généalogique ». À préférer à cette démarche exigeante une dénonciation abstraite du colonialisme, on s’interdit de comprendre l’essentiel, à savoir le sens, ou plutôt les sens nécessairement différents prêtés à leur propre expérience par les porteurs de mémoire. On est alors conduit à enfermer chaque acteur de l’Histoire dans un destin tracé à l’avance, où la question du sens n’a plus aucune place. Il est temps de comprendre que le sens est pluriel. Qu’il n’est pas forcément celui que l’on attend. Le sens n’est pas univoque. Il faut admettre que l’Histoire est faite de « choses qui pouvaient être autrement ».



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